Ahmed : “J’ai rencontré quelqu’un qui n’avait parlé à personne depuis 1 an”

Ahmed Meite aime faire le grand écart. Sur sa chaîne Youtube, il fait rire les jeunes de son âge avec des vidéos humoristiques… et il publie des appels à la solidarité pour les personnes de la rue, en relayant les actions de SOS Meite Meite, l’association qu’il a fondée alors qu’il n’avait que 19 ans. La générosité chevillée au corps, il est la preuve qu’on peut mener de front une vie de jeune qui aime s’amuser et servir un engagement fort au service de ceux qui n’ont plus rien. 

Ahmed Meite, fondateur de SOS Meite Meite France

 

Fonder une association de solidarité à 19 ans, ce n’est pas banal ! Comment en êtes-vous arrivé là ?

Je suis sensible au sort des personnes les plus démunies depuis que je suis tout petit, grâce à l’éducation que j’ai reçu de ma mère surtout. Je me suis toujours dit qu’un jour je fonderais ma propre association d’aide aux plus pauvres. À 19 ans, un de mes cousins est décédé. J’ai réalisé qu’il ne fallait pas attendre pour faire les choses dont on rêvait et qu’il était temps de commencer à vivre pleinement. Le jour même, j’ai fait des courses avec un ami et on a tout distribué aux sans-abri du quartier, en mettant les photos de cette maraude improvisée sur les réseaux sociaux. Tout a démarré comme ça. Et ça a continué : nous allions là où il y avait le plus de personnes sans-abri, où on sentait que la demande était la plus forte. J’ai déclaré l’association SOS Meite Meite un an après, en 2012. Le nom vient d’une blague de mes amis qui reprenaient l’expression “Mayday ! Mayday !” avec mon nom de famille : “Meite Meite”.

Comment fonctionne SOS Meite Meite ?

Le fonctionnement de mon association a beaucoup évolué. De 2011 à 2015, je lui étais entièrement dédié à plein temps : je n’ai pas pris de vacances pendant 4 ans ! Sos Meite Meite a pu grandir grâce aux réseaux sociaux où il y a une viralité très positive. L’association existe surtout sur Facebook, où je communique et où je me renseigne sur tous les projets solidaires. Aujourd’hui, nous sommes à plus de 13 000 fans sur notre page Facebook !

Maraudeurs de SOS Meite qui célèbrent les 10 000 “likes” Facebook en septembre 2015

Maraudeurs de SOS Meite qui célèbrent les 10 000 “likes” Facebook en septembre 2015

Il y a environ 600 personnes bénévoles dans mon association, entre les “occasionnels” et les plus réguliers. On se concentre surtout sur la distribution de kits d’hygiène et de sacs de couchage, on fait moins de maraudes alimentaires. Depuis 2015, je travaille chez Pôle Emploi en tant qu’agent administratif, ça me laisse forcément moins de temps pour développer SOS Meite Meite. Mais j’aimerais tout de même passer à l’étape supérieure, trouver un moyen de réinsérer les personnes de la rue dans la vie sociale.

Parmi mes anciens bénévoles, beaucoup ont monté leur propre association et j’en suis très content. Le développement des associations est très positif : on voit que les gens ont du coeur ! Beaucoup d’associations fusionnent et commencent à travailler ensemble sur les mêmes sujets, c’est génial : il y a tellement de manières d’aider ! C’est pourquoi je suis très heureux de découvrir Entourage, dont je vois vraiment l’utilité : toutes les associations qui maraudent doivent télécharger l’appli ! Moi qui n’aime pas la paperasse, ça va vraiment me simplifier la vie : j’apprécie que l’application soit livrée “clefs en main” pour faciliter la gestion des assos.
[youtube https://www.youtube.com/watch?v=-9txXYb51kE]


En quoi SOS Meite est différente des associations traditionnelles ?

J’ai justement créé SOS Meite parce que je ne voulais pas m’engager dans une association traditionnelle : j’aime bien quand les choses sont transparentes. Avec SOS Meite, je partage avec tous mes bénévoles le mode de fonctionnement de l’asso : tout le monde est au courant d’où va l’argent qu’on reçoit… C’est important pour ceux qui donnent d’être sûr que l’argent va servir à quelque chose. Nous sommes aussi différents de tout ce qui existe par nos actions : nous réalisons des travaux gratuitement : rénovation, humidité, peinture qui s’écaille…

Travaux réalisés par des bénévoles de SOS Meite

Travaux réalisés par des bénévoles de SOS Meite

Grâce à ma formation de peintre, j’aide les familles qui n’ont pas les moyens à rénover un logement insalubre gratuitement. Récemment, j’ai aidé la famille de la petite Aya : on devait faire les travaux en janvier, mais finalement on a réussi à les décaler pour qu’elle puisse avoir sa nouvelle chambre pour Noël !

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Article dans Le Parisien daté du 23 décembre 2015

De quoi ont le plus besoin les sans-abri, selon vous ?

De parler ! Souvent quand je distribue des paniers-repas, les sans-abri préfèrent les mettre de côté pour discuter.

Je me rappelle notamment d’un homme SDF avec qui j’ai parlé pendant des heures, et qui était très ému : ça faisait un an qu’il n’avait parlé à personne. J’entends souvent des remarques de leur part comme : “Vous nous donnez une pièce mais vous ne discutez pas avec nous !”

J’aime beaucoup ces maraudes de discussion, où on parle de tout et de rien. Quand on part, on se rend compte que les personnes sans-abri sont vraiment tristes parce qu’on les a “évadés” de leur routine.

Maraudeurs Meite à la rencontre des personnes de la rue

Maraudeurs Meite à la rencontre des personnes de la rue


Pouvez-vous nous expliquer le principe de l’“abonnement solidaire” ?

Dans l’association, il y a une vingtaine de donateurs réguliers, qui donnent par virement, ce que j’appelle un “abonnement solidaire”. C’est une démarche que j’aimerais déclencher chez tout le monde :

en plus des abonnements que les gens payent tous les mois (téléphone, magazine, salle de gym…), je crois en cette idée d’“abonnement solidaire”, où chacun s’engage à verser un montant à une association de son choix tous les mois. 

J’ai fait de la sensibilisation autour de moi pour lancer cette idée. J’en parlais beaucoup sur les réseaux sociaux aussi. Un jour, j’ai eu une discussion avec un sans-abri qui avait internet et qui avait vu que je faisais des appels aux dons sur la page facebook de SOS Meite Meite. Il m’a tout de suite demandé pourquoi je ne lui en avais pas parlé. Gêné, je n’ai tout d’abord pas compris, je ne savais pas quoi répondre. J’ai ensuite réalisé qu’il était vexé que je ne lui propose pas : lui aussi voulait participer !

Aujourd’hui ce sans-abri qui vit dans la rue et qui touche le RSA donne 5 euros par mois à mon association ! Alors maintenant, les gens n’ont vraiment aucune excuse pour ne pas donner !

Ahmed Meite

Ahmed Meite


Comment réagissent vos proches devant la force de votre engagement pour votre association ?

Ma mère est très fière de moi ! (rires). Mes amis comprennent mon engagement mais ils ont du mal à concevoir que je puisse mener une vie de jeune “normal” : faire la fête, m’amuser… et de l’autre côté m’engager contre l’extrême précarité. Ce n’est pas incompatible contrairement à ce que beaucoup de gens pensent ! Une fille est venue me  voir :

“Toi, tu vas en boîtes de nuit et tu fais des maraudes ? Si c’est possible, alors moi aussi je veux participer !”

Auriez-vous un conseil de maraudeur à partager ?

Ne pas avoir peur, dire simplement “Bonjour” avec un sourire.
J’aime bien citer cette phrase de l’abbé Pierre : “le sourire : c’est moins cher que l’électricité mais ça illumine plus”. La parole est très importante dans la rue : si tu t’engages auprès d’un sans-abri à le revoir, tu repasses. Il ne faut pas non plus être intrusif, ou poser des questions : on n’est pas des journalistes, c’est la personne en face qui décide de se livrer ou non. Si les habitants des quartiers ont peur d’aller à la rencontre des sans-abri, je leur conseille d’essayer de se rapprocher d’une association et de se faire accompagner d’un ami. Encore une fois, dire bonjour, c’est vraiment le premier pas !

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Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?

Souhaitez-moi de rencontrer des gens déterminés à améliorer le monde !

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