« Les solitudes en France » : synthèse du rapport

La Fondation de France a publié en Juin 2013 son rapport sur « Les solitudes en France ».  Entourage a fait la synthèse de ce rapport.

Les solitudes en France

En 2013, 5 millions de personnes sont seules.

« Le sort des personnes isolées et vulnérables ne se résoudra qu’à la condition qu’elles puissent redevenir actrices de leur vie, et actrice de leur vie dans leur quartier/village/ville »

Rapport de la Fondation de France sur "les solitudes en France" (juin 2013)

Rapport de la Fondation de France sur « les solitudes en France » (juin 2013)

 

L’isolement relationnel = personnes qui n’ont pas, ou peu, de relations sociales au sein des 5 réseaux (familial, professionnel, amical, affinitaire, et territorial).

  • 61% des français sont très intégrés, bénéficient de plusieurs réseaux de sociabilité
  • 27% sont en situation de fragilité (faible diversité de leurs réseaux sociaux = « mono-réseau »)
  • 12% sont exclus (sans réseaux sociaux)

Les évolutions de l’isolement relationnel

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En tendance, la part de la population française en situation d’isolement relationnel progresse de manière linéaire depuis 2010, gagnant un point chaque année.

Fléchissement de la capacité intégratrice des réseaux amicaux, familiaux, et de voisinage.
Stabilité des réseaux associatifs et professionnels.

Réseau amical

  • 25% de la population dit ne pas disposer d’un réseau amical actif.
  • 8% de la population déclare ne pas avoir d’amis ou dit ne jamais être en contact avec eux

Réseaux de voisinage

  • Dans 37% des cas, le voisinage ne nourri pas les relations sociales.

Réseau familial

  • 39% de la population est sans réseau familial actif

Réseaux affinitaire

  • Membre dans une association/club/organisation : 26% des + de 18ans en 2013 (comme en 2010)

Réseaux professionnels

  • Dans un cas sur cinq le travail n’est pas générateur de sociabilités extra-professionnelles

Les inégalités face à l’isolement

L’âge : extension générationnelle de l’isolement

  • plus l âge augmente plus le réseau familial s’étiole
  • les 18-29ans sont plus touchés qu’avant (6% en 2013 face à 2% en 2010)
  • les moins de 40ans sont plus touchés par l’isolement aujour’d’hui (6% sont isolés en 2013, contre 3% en 2010)
  • les plus de 75ans sont aussi davantage touchés (passe de 16% en 2010 à 24% en 2013)

La pauvreté augmente le risque d’exposition à l’isolement relationnel

  • Plus de la moitié des personnes de 30 à 59 ans ayant un revenu inférieur à 1000€ sont en situation d’isolement
  • La pauvreté est sans effet mesurable avant 30ans et après 75ans, mais elle a un fort impact sur l’isolement chez les 30-50ans et les 40-50ans
  • Les travailleurs pauvres bénéficient moins de relations avec leurs collègues
  • Plus les revenus diminuent moins le réseau familial est étendu
  • Difficulté accrue dans HLM (50% des habitant d’hlm n ont pas de relations avec leurs voisins)

L’isolement touche désormais les – de 40ans, les revenus modestes, et les actifs 

« Cette crise du lien social, n’est pas une crise de la pauvreté, elle est le symptôme d’une société plus éclatée qui peine à faire communauté »

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L’accès à l’emploi

  • Entre 30 et 60ans, le fait d’accéder ou non à l’emploi augmente fortement le risque d’isolement
  • Comparativement à 2010, le travail semble moins intégrateur

Zone rural / zone urbaine

  • stabilité de l’isolement en zone rurale / augmentation de l’isolement en zone urbaine
  • Un réseau de voisinage bien plus développé dans les zones rurales (46% des personnes invitent leurs voisins chez eux en zone rurale contre 34% en ville)

Réseaux informels, réseaux citoyens

Les relations de proximité

  • 49% considèrent qu’il est difficile (voir très difficile) de rencontrer, de se faire des amis, ou d’organiser des choses entre voisins.
  • Cette difficulté s’accentue avec la taille de la commune et le fait d’habiter dans un parc social. Ainsi, pour 24% des français, le territoire de proximité n’est pas générateur de sociabilité, d’échange..
  • Parmi les personnes en isolement, 87% ne compensent pas via les réseaux de proximité
  • Le nombre de services de proximité n’a qu’un impact marginal sur l’isolement

Les relations citoyennes (conseils de quartiers, parents d’élèves, fêtes de quartiers..)

Seul 23% participent à au moins une activité citoyenne donc peu d’impact sur l’isolement (d’autant plus que 90% des personnes isolées ne participent à aucune de ces activités citoyennes)

 

L’isolement vécu / ressenti

On peut imputer aux causes suivantes le sentiment d’isolement :

  • un revenu inférieur à 1000 €
  • le chômage de longue durée
  • le fait de vivre seul et de ne pas avoir d’enfant
  • le genre (25% des femmes sont seules contre 16% des hommes).

Les évènements à l’origine du sentiment de solitude : divorce (19%), décès du conjoint (15%), décès de personnes proches (14%), déménagement (10%), perte d’emploi (6%), handicap (5%).

Parmi les personnes considérées en situation d’isolement, 7 sur 10 déclarent ne pas le ressentir.
L’isolement relationnel s’accompagne d’une part de résignation :

« Quand mon mari est décédé, j’ai perdu mon emploi et je suis tombée malade, depuis j’ai l’impression de faire toujours le même train-train tous les jours, la même rengaine ».

« J’ai des amis mais je reste chez moi sans parler à personne. Ca me surprend un peu, mais je ne fais rien. Je me dis que je ne parle à personne c’est tout »

« J’ai du mal à aller vers les gens et les gens ne s’intéressent pas à moi. Ils ne m’écoutent que si je parle de la maladie de mon fils. on ne demande pas comment je vais et puis mon fils il est condamné, donc moins je parle mieux je me porte ».

« C’est dur, il faut supporter le mari qui me veut toujours à son service. C’est dur heureusement que j’ai mes filles. Parfois je dois appeler le SAMU quand il devient violent parce qu’il a de la force dans les bras ».

« J’ai un sentiment de mal-être. Le fait de me dire qu’à part ma maison mon conjoint et mes enfants en fait je n’ai rien d’autre»

« Mon mari se ballade et sort beaucoup. Moi je suis à la maison et je suis seule. Je fais des gâteaux, mais je suis fatiguée et pas très patiente parce que je suis myopathe »

« Ma maman est âgée et avec mes frères et sœurs on a été à l’internat très jeunes donc on ne se connait pas très bien. Mon conjoint est fils unique, j’ai une belle-mère exécrable. Monmariaeuungraveaccidentilya3ansetcelaatout changé ».

« Je ne me sens pas intégrée ici. Les gens sont durs et froid. Je croise des gens c’est tout, il ne se passe rien. J’ai élevé seule mes enfants dans une région qui n’est pas la mienne. J’ai vécu aussi en Martinique et j’étais mieux intégrée. Ici les gens sont froids, ici il n’y a pas beaucoup de chaleur humaine ».

« J’ai tendance à me replier sur moi-même, à rester muette, dans mon coin, dans mon monde. Je suis seule avec mes enfants ».

« J’ai un chien, je me promène, j’ai la télé, je ne suis pas à plaindre quand même »

« Je suis en dépression. J’ai arrêté le tabac et l’alcool des fois c’est dur alors je grignote. Et puis les gens je n’ai pas forcément envie de les rencontrer »

 

Les réseaux virtuels

L’essor des sociabilités virtuelles (36% déclaraient les fréquenter en 2010 contre 48% en 2013)

Les usagers de réseaux virtuels sont surtout des personnes bien intégrées mais il est vrai que les sociabilités virtuelles progressent chez les personnes en situation d’isolement. Ces dernières peuvent en tirer des bénéfices (22% d’entres elles les fréquentent pour rencontrer des gens dans la vie réelle). Cependant ces réseaux n’épuisent pas le sentiment de solitude : ce sentiment est deux fois plus fréquent chez les isolés ayant recours aux sociabilités virtuelles que les isolés n’y ayant pas recours.

Les foyers monoparentaux (divorces et séparations)

perte de revenus ou déménagement entraîne une baisse de revenu = baisse du réseaux de proximité et de voisinage

baisse du réseau amical

Près d’ 1/3 des foyers monoparentaux estiment que leurs relations sociales se sont dégradées.

Remarque : la présence d’enfants minore l’effet du divorce mais n’empêche pas l’expression d’un sentiment de solitude.

Mais cela peut aussi développer le sentiment d’une vie relationnelle autocentrée sur les enfants et conduire à un besoin de relation d’adulte à adulte.

« C’est le manque de parler surtout. Avec les enfants, je ne peux pas parler de tout, ils sont trop petits. Avant j’étais préparatrice en pharmacie et je voyais beaucoup de monde, à la limite trop par rapport à ma personnalité. Mais là je ne peux plus parler comme avant ça me manque un peu ».

« quand les enfants ne sont pas là je me sens isolée. C’est surtout parce que je n’ai pas d’autres adultes avec moi pour discuter. Il y a les gens de ma famille, mais je ne les vois pas beaucoup et ce n’est pas pareil de toute façon ».

« Je n’ai que les enfants. Moi j’ai aussi besoin de discuter avec d’autres adultes et cela c’est ça qui me manque le plus, un adulte proche »

« quand les enfants ne sont pas là, je vois personne. Je parle au mur, puis j’allume la télévision pour me sentir moins seule. Les autres s’en fichent »

« quand les enfants ne sont pas là (garde alternée), s’ils n’appellent pas pour prendre des nouvelles, personne n’appelle. Je pleurs, je ne fais rien. Du coup je prends des antidépresseurs et je me mets à boire ».

« Mon état d’esprit dépend de la présence des enfants ou pas. Lorsqu’ils sont absents, dans ces moments-là que je me dis que je suis seule et que je sers à rien ».

 

Les plus de 75 ans

Après 60ans, 19% des individus sont isolés mais ce sont les plus de 75ans les plus touchés (la part des plus de 75 ans touchés a augmenté de 8 point entre 2010 et 2013) car :

  • Réseau professionnel s’amoindrit (retraite)
  • Réseau affinitaire s’effrite (62% des plus de 75 ans n’ont pas d association, de club..)
  • Effritement des relations familiales (seuls 12% des plus de 75ans ont des relations fortes)
  • Réseau social diminue (à cause des handicaps…)
  • Le réseau de proximité / de voisinage est le seul qui se développe (58% des 75 ans et plus ont des contacts soutenus avec leurs voisins)

 

Quelques citations contenues dans le rapport de la Fondation de France :

« Du chagrin j’en ai tout le temps, déjà que je suis un peu sensible de nature alors maintenant que je suis complètement seule..»

« Je parle au mur, puis j’allume la télévision pour me sentir moins seul »

«La solitude cela m’accompagne tous les jours. C’est ma vie. Il faut l’accepter. Il y a un peu de tristesse car mes enfants ont été obligés de déménager. Moi je suis restée ici pour ne pas déranger. Je comprends bien la vie. Il faut accepter, surtout la perte de mon mari. »

« Personne ne m’invite. Pas de coups de téléphone. En fait personne ne s’intéresse à moi ».

« Il y a des moments où je veux parler à quelqu’un mais je sais que personne ne me répondra. Je vais souvent à l’hôpital pour des raisons personnelles mais il n’y a personne à qui parler en dehors des médecins »

« C’est le manque de parler surtout. Avec les enfants, je ne peux pas parler de tout ils sont trop petits. Avant j’étais préparatrice en pharmacie et je voyais beaucoup de monde, à la limite trop par rapport à ma personnalité. Mais là je ne plus parler comme avant ça me manque un peu ».

« Depuis le décès de ma femme, je sens le vide total. Ma vie n’est plus comme avant. Il y a un changement, je sens le vide ».

« J’ai personne, l’appartement est vide »

« Je passe des journées sans voir personne ni un coup de téléphone. C’est comme cela. »

« Je me sens entre ciel et terre sans parachute. quand je regarde une émission à la télé, je n’ai personne pour partager avec moi ».

« Les enfants ça va. Mais ils travaillent maintenant et je ne peux pas être tout le temps chez eux. Au point de vue du voisinage il n’y a pas grand-chose. Et puis surtout j’ai eu de gros problèmes familiaux avec le mari, mais ça je ne veux pas en parler. Là je suis encore sous antidépresseurs et j’ai du mal à aller vers les gens, à sortir, je me renferme. En plus j’ai été obligée de déménager et je viens d’arriver là je connais rien ».

« Je me sens seul, le téléphone ne sonne pas. Je n’échange avec personne. J’ai un chat comme seule compagnie»

« Quelques fois j’aimerais avoir de la visite, ou avoir l’audace d’aller sonner à une porte. Mais ça j’en suis incapable, donc je me dis tiens, aujourd’hui je ne vais encore voir personne »

« Je n’ai personne à qui parler, personne à qui me confier »

« Les journées sont longues quand on est tout seul. Alors quand je suis triste, je pars faire un tour dans le bois quand il fait beau. Heureusement, il y a l’aide-ménagère, sinon il n’y a personne. »

« C’est de la souffrance quoi, avant j’étais tout le temps avec mon mari, on sortait tous les deux, aujourd’hui je me sens seule ».

« Depuis que mon mari est décédé je n’ai jamais pu me faire des amis catalans. Je n’ai qu’une amie, mais il faut prendre le bus pour y aller alors quand je me sens seule j’écoute de la musique »

« Je suis seul c’est comme çà. y rien à dire, y’a rien à faire. quand on vieillit on perd ses amis, sa famille, ses repères ».

LIRE LE RAPPORT DE LA FONDATION DE FRANCE SUR « LA SOLITUDE EN FRANCE » (JUIN 2013)
Salomé Moalic

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