Santé et personnes SDF : démêler le vrai du faux

Le 7 avril dernier a eu lieu la journée mondiale de la santé. Nous avons souhaité nous saisir de cet événement pour déconstruire certains préjugés bien ancrés dans l’esprit collectif concernant la santé physique et psychique des personnes sans domicile fixe, c’est-à-dire celles qui n’ont pas de logement stable.

En effet, certaines idées préconçues sur le monde de la rue et les personnes qui la côtoient entravent souvent les rencontres. Chez Entourage, nous croyons fermement qu’en travaillant à restaurer le lien social, nous pouvons briser l’isolement des plus exclus et contribuer à leur redonner leur pouvoir d’agir. Et cela implique d’élargir notre compréhension grâce à une meilleure connaissance du sujet.

Faisons donc un rapide tour d’horizon de la santé des personnes sans domicile fixe.

N.B. : Une grande partie des données statistiques présentes dans cet article proviennent de l’enquête SaMentA1, réalisée en 2010 par le Samusocial de Paris et l’Inserm auprès des personnes SDF d’Île-de-France. Il s’agit de l’étude la plus complète et la plus récente réalisée sur ce sujet à ce jour.

Pour aller directement aux sujets étudiés 👉 :

La vie des personnes sans domicile fixe, également appelées “sans chez soi” pour mettre en lumière le défi de se sentir réellement chez soi plutôt que simplement accueilli, est semée de défis. Parmi ceux-ci, l’accès à l’hygiène personnelle est souvent relégué en second plan des dépenses quotidiennes, les personnes concernées privilégiant l’accès à un logement ou à l’alimentation. 

Prendre soin de soi dans la rue est un combat de tous les jours. L’accès aux installations de base d’hygiène (douche, toilettes, laverie, lavabo) est complexe pour quelqu’un qui n’a pas de toit stable au-dessus de la tête pour accéder à ces commodités.

Le manque d’hygiène que peuvent vivre certaines personnes ne se résume pas à des problèmes d’odeur ou d’inconfort, cela concerne également : 

  • leur bien-être et leur estime de soi : l’hygiène constitue universellement le fondement du bien-être et de la bonne estime de soi d’une personne. Selon la Croix-Rouge, pour les personnes sans domicile fixe, « l’hygiène est un facteur essentiel pour la santé, mais également l’estime de soi et l’insertion sociale« .
  • leur santé : l’hygiène représente un enjeu majeur de santé publique en ce sens qu’elle est directement liée à des maladies et infections telles que l’eczéma, les champignons, la gale ou les mycoses. 

Le chiffre clé :

c’est la place qu’occupait en 2021 l’hygiène dans les préoccupations des personnes à la rue, avant même l’alimentation, selon une étude nationale menée par les maraudes et le Samu Social2

Les solutions existantes :

Pour permettre aux personnes “sans chez soi” d’accéder à l’hygiène en se lavant eux-mêmes ainsi que leurs effets personnels, diverses solutions existent : 

Comment puis-je aider à mon échelle ?

💡: vous pouvez constituer un kit d’hygiène à distribuer à une personne à la rue, comprenant des éléments de base tels que du savon liquide, du shampoing, du dentifrice et une brosse à dents, ainsi que des produits pour prendre soin de soi et se sentir bien : crème hydratante, mini-flacon de parfum, stick à lèvres, etc. Via l’onglet “entraide” de l’application Entourage, vous pouvez également offrir l’accès à un point d’eau dans votre commerce, par exemple, pour permettre de faire une lessive ou se laver. Cependant, il est important d’attendre que la confiance soit établie avant d’inviter quelqu’un chez vous, dans un espace privé. 


La santé des personnes sans domicile fixe varie considérablement pour diverses raisons que nous allons examiner, et il est important de ne pas généraliser. L’état de santé et l’accès aux soins dépendent des individus, de leurs parcours de vie, de leurs origines socio-économiques et bien sûr de leur état de santé actuel. Les personnes sans domicile fixe sont souvent très résilientes et adaptables, ce qui peut les rendre plus résistantes face aux problèmes de santé.

Cependant, lorsque l’on est sans domicile fixe, les conséquences des difficultés économiques, familiales et sociales sur la santé sont très prononcées. Les préoccupations quotidiennes et les difficultés du quotidien peuvent affecter de nombreux aspects de leur vie, tels que le sommeil, l’alimentation, l’exercice physique, et la consommation de substances.

Ainsi, les personnes sans domicile fixe présentent souvent un vieillissement précoce, caractérisé par l’apparition prématurée de maladies chroniques et dégénératives. Cela est principalement dû à l’insécurité alimentaire, au manque de logement, de sommeil et de ressources financières, aux conditions d’hygiène précaires, ainsi qu’au non-recours à leurs droits.

Ces personnes souffrent des mêmes pathologies que le reste de la population, mais présentent une prévalence plus élevée aux maladies cardiovasculaires, dermatologiques, respiratoires, anémiques, gastro-intestinales, hépatiques, rénales, pulmonaires, au diabète et aux problèmes dentaires. Elles sont également plus susceptibles de souffrir de troubles anxieux, dépressifs et de dépendance, de migraines, de parasitoses et d’infections virales. Souvent, ces personnes cumulent plusieurs de ces affections.

C’est pourquoi, en 2013, l’Académie de médecine a affirmé que le fait d’être dépourvu de logement « était un facteur de mortalité prématurée, indépendant de tout autre facteur de vulnérabilité sociale”.

Le chiffre clé : 

C’est l’âge moyen des 624 personnes “sans chez soi” décédées dans la rue en 2022. Leur espérance de vie est nettement inférieure à celle de la population générale, avec un écart de plus de 30 ans. Les causes de leurs décès sont parfois inconnues, mais les principales raisons incluent les cancers, les maladies de l’appareil circulatoire et de l’appareil digestif ainsi que du foie, les agressions, les accidents et les suicides.3.

Les solutions existantes

Différents dispositifs sont mis en place pour accéder aux systèmes de santé lorsque l’on est sans domicile fixe : 

Vous pouvez retrouver un certain nombre de structures et de services sanitaires dans le guide de la solidarité sur notre application Entourage !

En réalité, la plupart des personnes sans domicile fixe consultent un médecin lorsque leur état de santé l’exige. Cependant, selon l’enquête SaMentA, près d’une personne sur cinq n’a pas consulté de médecin depuis plus d’un an, et cette proportion concerne principalement des hommes (95 %).

Malheureusement, le manque de connaissances de leurs droits, les ressources limitées et le sous-effectif dans certains services de soins, conduisant parfois à une saturation de ces derniers, creusent les inégalités en matière de santé des plus précaires dont font partie les personnes sans domicile fixe. Ces constats ont été mis en lumière en 2021 par Médecins du Monde dans son 22ème rapport annuel de l’observatoire de l’accès aux droits et aux soins des plus démunis en France4.

Comment puis-je aider à mon échelle ?

💡: si vous rencontrez quelqu’un qui semble avoir des difficultés à accéder aux soins médicaux en raison d’un manque de connaissances, vous pouvez l’aider à mieux comprendre ses droits en utilisant ce simulateur d’aides sociales de l’État : simulateur d‘aides sociales. Ne donnez pas de médicaments (même sans ordonnance) à une personne, mais orientez-là vers les soins appropriés. En cas d’urgence médicale, contactez les pompiers (18) ou les services d’urgence médicale (15).


Commençons par clarifier les termes de notre sujet.

On parle de santé mentale pour désigner “un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté” (OMS).

Les troubles psychiques sont quant à eux des affections qui vont altérer l’état de santé mentale. Ils peuvent prendre des formes et des expressions très différentes, et vont souvent avoir un impact sur la vie sociale et professionnelle de la personne

  • Les troubles de l’humeur : dépression, trouble bipolaire
  • Les troubles anxieux
  • Les troubles obsessionnels compulsifs
  • Les troubles addictifs
  • Les troubles du comportement alimentaire
  • Les troubles psychotiques
  • La schizophrénie

Alors, la rue rend-elle “fou” ? Il est important de commencer par souligner qu’associer la folie à un trouble psychique est stigmatisant. Cela contribue à renforcer les préjugés négatifs et le regard hostile envers les personnes souffrant de ces troubles. Ceci étant dit, l’enquête SaMentA révèle qu’environ 30% des personnes sans domicile fixe présentent des troubles psychiques (donc 70% n’en présentent pas). Cependant, ces troubles psychiques touchent également 1 personne sur 5 chaque année en France, soit environ 13 millions de Français5. Ce chiffre montre que les personnes “sans chez soi” ne sont pas les seules à être affectées par des problèmes de santé mentale, et que ce phénomène dépasse le cadre de la grande précarité.

Il arrive néanmoins que certaines personnes se retrouvent à la rue en raison de leurs troubles, notamment dans le cas de la schizophrénie, une pathologie très excluante de notre société. La vie dans la rue peut venir aggraver ces troubles.

Les troubles psychiques qui surviennent ou se manifestent à nouveau lorsqu’une personne se retrouve sans domicile fixe sont le résultat de divers facteurs, parfois isolés, parfois cumulés :

Le chiffre clé : 

en France est en situation d’isolement total6. En ce sens, l’étude de Harvard sur le développement des adultes démontre clairement que l’absence ou le manque de relations sociales a un impact négatif sur la santé physique ET mentale, et diminue également l’espérance de vie.

Les solutions existantes  : 

Les troubles psychiques ne doivent pas être considérés comme une fatalité car il existe des dispositifs et des traitements pour les prendre en charge. Cependant, ils nécessitent une intervention adaptée et rapide afin de limiter leurs impacts. Les dispositifs de prise en charge sont similaires à ceux pour la population générale : centres médico-psychologiques, consultation d’un professionnel de santé (médecin généraliste, psychiatre, psychologue ou infirmier), hôpitaux psychiatriques, associations, centres d’hébergement. 

Il est cependant important de noter que les ruptures de soins/de traitements pour troubles psychotiques, de l’humeur ou anxieux, c’est-à-dire le fait d’avoir déjà reçu des soins par le passé mais de ne plus être suivi actuellement – sont assez fréquentes chez les personnes en situation de précarité. Les raisons à cela sont variées : manque de couverture sociale, absence de gêne fonctionnelle d’origine psychique, conditions de vie difficiles, peur d’être stigmatisé, vols ou détournements de médicaments, etc. Pour pallier ce problème, de nouvelles approches sont envisagées afin d’aider les personnes confrontées à des difficultés importantes pour suivre un traitement régulier en raison de leurs conditions de vie ou leurs troubles. Par exemple, on explore l’utilisation d’antipsychotiques à action prolongée.

Comment puis-je aider à mon échelle ?

💡: c’est un fait, tout être humain a besoin de liens réguliers pour se sentir en confiance, serein, et en sécurité. Que ce soit au sein de la famille, d’une communauté ou d’un réseau d’amis, ces liens sont essentiels à notre bien être mental. Pour contrer l’isolement social des personnes sans domicile fixe et ainsi réduire le risque accru d’anxiété et de dépression qui y est associé, vous pouvez commencer par sourire aux personnes que vous croisez dans la rue : cela leur montre qu’elles existent aux yeux d’un autre ! Progressivement, vous pouvez vous arrêter pour engager la conversation, vous asseoir et même les inviter à boire un café dans un bar. Agir pour entourer les personnes isolées peut contribuer à atténuer l’impact de leur isolement sur leur santé physique et mentale !


On associe souvent le monde de la rue à l’alcool ou à la drogue. Qui ne visualise pas la personne sans domicile fixe tenant la célèbre canette de 8.6 à la main ? Cependant, certains chiffres révélés par l’enquête SaMentA nous invitent à remettre en question cette idée reçue persistante du SDF “alcoolo” ou “toxico”. Comparons ces chiffres à ceux mis en lumière par l’OFDT concernant la consommation de substances psychoactives en France7.

En effet, il est vrai que 3 personnes SDF sur 10 ont des problèmes de dépendance ou consomment régulièrement des substances psychoactives telles que l’alcool, des médicaments détournés de leur usage ou des drogues illicites. Cependant, il est crucial de noter que la France se classe au 2ème rang européen pour la consommation de cannabis, au 4ème pour l’alcool et au 5ème pour le tabac. Par exemple, si 1 personne sans domicile fixe sur 5 est dépendante à l’alcool, l’OFDT nous révèle que 5 millions de personnes en France consomment de l’alcool quotidiennement. De même, près de 16% des personnes SDF consomment régulièrement du cannabis, un chiffre qui s’élève à 1,3 million de Français dans l’ensemble de la population. En contraste, plus de 50% des personnes sans domicile fixe fument du tabac chaque jour, tandis que ce chiffre s’élève à environ 25% pour l’ensemble de la population.

Le chiffre clé : 

présentent une dépendance à au moins une substance psychoactive. En effet, pour établir un lien avec les troubles psychiques, il est important de souligner que les personnes souffrant de ces troubles ont souvent une prédisposition à utiliser des drogues ou des hypnotiques. Ces substances sont souvent recherchées pour soulager l’angoisse provoquée par les symptômes psychotiques, ce qui peut conduire à développer une dépendance.

Les chiffres de l’enquête SaMentA sont loin de démontrer une consommation abusive de substances chez toutes les personnes SDF, mais il est nécessaire de comprendre les motivations initiales recherchés derrière ces comportements chez des personnes aux parcours de vie compliqués. 

Ce n’est pas parce qu’une personne évolue à la rue qu’elle va automatiquement devenir dépendante. L’âge, le sexe, la maturité cérébrale, la personnalité et l’humeur d’un individu jouent de manière générale un rôle crucial dans son risque d’addiction.

Quels sont les effets recherchés dans la consommation de substances psychoactives quand on est sans domicile fixe ?

Les solutions existantes  : 

Comme pour toute personne, une personne sans domicile fixe souffrant d’addiction doit être prise en charge par des services spécialisés. En France, des centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) ainsi que des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues (CAARUD) sont disponibles. Les services d’addictologie dans les hôpitaux offrent également un soutien précieux. Après le sevrage, il est crucial d’accompagner la personne, de l’entourer, de recréer du lien social ainsi que de lui trouver un hébergement en poursuivant son accompagnement social afin de réduire le risque de rechute.

Comment puis-je aider à mon échelle ?

💡: il peut vous arriver de rencontrer quelqu’un dans la rue qui semble être dans un état d’alcoolémie ou de toxicomanie (très) avéré. Il n’existe pas de manière universelle pour agir dans ces situations, c’est à vous de juger si les conditions vous permettent d’intervenir en toute sécurité. Si vous vous sentez à l’aise, commencez par essayer d’entrer calmement en contact avec cette personne afin de vous assurer qu’elle va bien, et pour savoir si elle souhaite que vous appeliez le 115 (Samu Social) pour elle. Si vous vous apercevez qu’il s’agit d’une urgence où la personne se met en danger ou met en danger les autres, il faudra contacter les pompiers (18), la police (17) ou les urgences médicales (15). Le mot d’ordre, c’est sécurité !


Si vous avez encore des questions ou besoin de conseils, l’équipe d’Entourage se tient à votre disposition, n’hésitez pas à nous contacter à cette adresse mail orientation@entourage.social ou via le formulaire d’orientation en cliquant ici.

Ombeline et l’équipe Entourage

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Pour agir et créer du lien avec les personnes SDF :

Sources : 

  1. SaMentA, rapport sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel d’Île-de-France, 2010, Samu social de Paris et Inserm ↩︎
  2. Étude nationale maraudes et samu sociaux sur le sans-abrisme, 2021, Samu Social ↩︎
  3. Dénombrer & Décrire, 11 rapport annuel 2022, Collectif Mort de la rue ↩︎
  4. Observatoire de l’accès aux droits et aux soins, 2021, Médecin du monde ↩︎
  5. Observatoire “La santé mentale en France”, 5ème édition, 2021, Mutualité française ↩︎
  6. Étude Solitudes 2023, Fondation de France ↩︎
  7. Drogues et addictions, chiffres clés, 2022, Observatoire français des drogues et des tendances addictive ↩︎

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