Santé au travail : prévalence des Risques Psychosociaux (RPS) chez les personnes en situation de précarité

Le 28 avril 2024 marque la célébration de la « Journée mondiale pour la Santé et la Sécurité au Travail » au sein des organisations à travers le monde. 

Aujourd’hui, nous souhaitons particulièrement nous arrêter sur un problème de plus en plus préoccupant pour les plus de 30 millions de travailleurs français (Insee, 2022) : les Risques Psychosociaux (RPS). Zoom sur cette réalité complexe qui pose des défis spécifiques en matière de santé physique et mentale au travail.

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Définition

Les RPS sont les éléments qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés au sein de leur environnement professionnel (définition du Ministère du Travail). Ils englobent divers risques d’origines et de natures variées rencontrés dans le milieu professionnel, tels que :

  • Le stress au travail, résultant de la surcharge de travail, des conditions de travail difficiles, du manque de moyens, d’autonomie ou de reconnaissance.
  • Les violences internes à l’entreprise, incluant le harcèlement, les conflits relationnels, etc.
  • Les violences externes à l’entreprise, comme les insultes, les menaces ou les agressions provenant de personnes extérieures.

Ces risques sont qualifiés de « psycho-sociaux » car ils se situent à l’interface entre l’individu (l’aspect « psycho ») et son environnement professionnel (les interactions sociales telles que le contact avec l’encadrement, les collègues, les clients, etc., donc le « social »).

Les chiffres révélés en mars 2023 par l’enquête d’Opinion Way pour Empreinte Humaine1 sur la santé psychologique des salariés français témoignent d’une dégradation continue de leur santé mentale :

Quels facteurs de risques ?

Le rapport « Gollac »2 de 2011 a identifié six grandes familles de facteurs de risque associés aux RPS :

Les RPS ne se limitent pas aux effets individuels sur la santé mentale (nervosité, fatigue, dépression, anxiété, etc.) et physique (troubles cardiovasculaires, ulcères, maladies psychosomatiques, troubles musculo-squelettiques (TMS), etc.) des travailleurs, mais ils peuvent aussi avoir un impact significatif sur le fonctionnement de la structure, affectant la productivité et le bien-être général des employés (conflits, désengagement, absentéisme, arrêts maladies, etc.).

Les RPS peuvent affecter un large éventail de travailleurs, indépendamment de leur secteur d’activité, de leur position hiérarchique, de leur statut professionnel, de leur âge ou de leur sexe. Cependant, certains groupes de travailleurs sont plus susceptibles d’en être victimes. C’est le cas des moins de 29 ans, des femmes, des managers et des personnes travaillant dans certains secteurs d’activités.

Compte tenu de la mission d’Entourage, arrêtons-nous quelques instants sur le lien complexe mais bien réel entre les RPS, la précarité et l’isolement social.

“La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celles de l’emploi. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence.”

Conseil économique et social

La précarité professionnelle

Les emplois précaires, comme l’intérim, les CDD et le travail saisonnier, sont caractérisés par leur instabilité et leur incapacité à garantir un niveau de vie satisfaisant et une perspective claire pour l’avenir. 

Les travailleurs précaires, souvent confrontés à des salaires bas, des contrats fragiles et un manque de formation, sont particulièrement vulnérables aux RPS tel que le stress, et donc à leurs conséquences comme la dépression et la surcharge mentale. Selon une étude de la Dares3 sur la santé mentale, le travail et la précarité, environ 30 % des personnes en CDD déclarent être confrontées à des contraintes psychosociales au travail.

Outre les impacts sur la santé mentale, la précarité de l’emploi engendre une insécurité économique qui se traduit par des difficultés pour se nourrir, se loger, se vêtir, mais aussi par l’impossibilité de se projeter dans l’avenir. Par exemple, les travailleurs précaires rencontrent des difficultés à obtenir des prêts bancaires car ils ont du mal à fournir des garanties. De plus, ils ont des difficultés à accéder à la formation continue et à envisager une progression de carrière positive. Tout ceci augmente le niveau de stress

Le travail isolé

Certains métiers peuvent isoler les personnes concernées, ce qui comporte des risques significatifs. Le Code du travail définit un travailleur isolé comme étant un employé effectuant des tâches hors de vue ou de portée de voix et ne pouvant être secouru rapidement en cas d’accident. Le travail isolé se retrouve dans de multiples secteurs tels que le bâtiment, le transport, le tertiaire, la maintenance, l’agriculture, la santé, etc., comme en témoigne cette liste non exhaustive établie par Geosecure.

En plus des risques physiques et médicaux, les travailleurs isolés sont exposés aux RPS. Selon l’INRS, l’insécurité de la situation de travail constitue un facteur de risque majeur. Ces RPS comprennent notamment le stress ou les violences et peuvent entraîner des conséquences telles que l’anxiété, l’épuisement professionnel ou les maladies.

Certains domaines d’activités favorisent l’apparition de RPS

Certains secteurs d’activité ont plus de risques d’être exposés aux RPS que d’autres. Les secteurs les plus exposés à ces risques sont la santé, l’action sociale, le commerce, l’éducation, l’hôtellerie ou encore la restauration. En effet, dans ces secteurs, les facteurs de risques sont souvent cumulés entre eux et s’inscrivent dans le temps : contrats précaires, horaires décalés, relations avec le public parfois source de tensions, difficultés hiérarchiques, pressions importantes, etc. Les personnes déjà précarisées le sont de plus en plus.

Prenons par exemple le domaine de la santé : les professionnels tels que les infirmières, les aides-soignants et les médecins font face à une charge de travail intense, des horaires décalés, certaines violences verbales ou physiques et des situations stressantes. Selon le Baromètre MNH-Odoxa4 de 2022, 37% des professionnels de santé en milieu hospitalier déclarent subir régulièrement des agressions physiques, un pourcentage qui atteint 84% pour les aides-soignants.

L’impact des facteurs personnels sur les RPS

Par ailleurs, les préoccupations et les fragilités de notre vie quotidienne peuvent avoir un impact considérable sur la survenue des RPS au travail. Ainsi, un déséquilibre dans la vie professionnelle peut aggraver les difficultés pour les individus déjà fragilisés sur le plan personnel, et inversement. 

Par exemple, les familles monoparentales, parmi lesquelles une sur trois est confrontée à la pauvreté en France selon l’INSEE, présentent un risque élevé de burn-out, en particulier pour les mères isolées. 

De même, le sexe ou l’âge sont des facteurs de prévalence aux RPS.

En effet, les femmes sont plus vulnérables aux RPS que les hommes, comme le montrent plusieurs récentes études. Ainsi, 60% des Européennes ont déjà été victimes d’une forme de sexisme ou de harcèlement sexuel au travail au cours de leur vie professionnelle, selon l’Observatoire européen du sexisme et du harcèlement sexuel au travail5 réalisé en 2019. Ceci s’explique par divers facteurs. Tout d’abord, les métiers occupés principalement par des femmes, comme les soins, les services à la personne, l’entretien ou l’enseignement, sont parmi les plus à risques vis-à-vis des RPS. De plus, les femmes occupent plus des postes moins qualifiés, avec des contrats précaires ou à temps partiel, ce qui engendre un stress économique supplémentaire. En 2023, selon l’enquête Emploi de l’INSEE6, plus d’une femme sur quatre travail à temps partiel (26,6 %) contre moins d’un homme sur dix (7,8 %). Enfin, la société est telle que les femmes ont souvent pour rôle de jongler entre leur travail rémunéré et les tâches domestiques à la maison, ce qui peut créer une charge mentale supplémentaire et avoir un impact négatif sur la santé mentale. 

D’autre part, les jeunes sont également particulièrement touchés par les RPS. En effet, selon le Baromètre d’Empreinte Humaine, 55 % des jeunes de moins de 29 ans souffrent de détresse psychologique, en partie en raison d’un contexte anxiogène marqué par diverses crises (sanitaire, géopolitique, économique et environnementale) et par les effets négatifs du télétravail, qui a augmenté depuis la pandémie de Covid-19. Une enquête de McKinsey & Company7 réalisée en 2020 a montré que 62 % des employés en télétravail ont signalé une augmentation de leur niveau de stress. Enfin, les jeunes ont tendance à assumer rapidement de nombreuses responsabilités en tant que salariés ou entrepreneurs. Cela peut les amener à supporter une lourde charge de travail, parfois au-delà de leurs limites. Selon le Baromètre DJEPVA sur la jeunesse8 de 2023, le stress ou une charge de travail trop lourde est la principale raison invoquée par les jeunes pour changer de travail.

On le sait, Entourage le prône, la précarité n’est pas qu’économique, elle peut également être relationnelle. Et bien souvent, les deux sont liées. 

D’un côté, la précarité matérielle à tendance à isoler les personnes de leur entourage et de la société. En effet, parmi les nombreuses causes pouvant provoquer un isolement social, la situation financière précaire est l’une des plus connues. Elle ne permet pas à la personne d’envisager des loisirs comme une sortie au restaurant ou une inscription à une activité. Lorsque l’on a peu de revenus ou que ce dernier est fragile, on priorise le logement et la nourriture.

De l’autre, l’isolement social peut accentuer la précarité économique des personnes, en commençant pas entamer leur moral et leur confiance en elles. Beaucoup de ces personnes ne savent pas à qui parler, n’ont peut-être même plus de proches à qui se confier. Les cercles sociaux étant fortement voire totalement amenuisés, l’isolement peut ainsi rapidement conduire à la précarité matérielle, à la perte d’autonomie ou à l’exclusion.

Que ce soit l’isolement social qui ait conduit à la précarité matérielle ou l’inverse, cet isolement social est un fléau qui touche de plus en plus notre société. En France, il concernerait 1 personne sur 10 en 2023, selon l’étude Solitudes de la Fondation de France9.

L’isolement touche tous les publics : jeunes, personnes âgées ou malades, familles monoparentales, etc. Il a des répercussions graves tant sur le psychisme que sur l’intégrité physique de la personne en situation d’isolement social, comme : 

  • Stress
  • Dépression et anxiété
  • « Laisser-aller »
  • Maladies cardio-vasculaires ou digestive, hypertension, problèmes de sommeil 
  • Etc.

L’employeur a une obligation générale de sécurité : il doit assurer la sécurité de ses salariés et protéger leur santé. Pour réduire les RPS pour ses salariés, un employeur doit mettre en place plusieurs mesures préventives et proactives. 

  • Obligation de réaliser d’un Document Unique d’évaluation des risques (DUERP)
  • Possibilité de mettre en œuvre des plans d’action ciblés, comme la réorganisation des tâches pour éviter la surcharge de travail ou l’aménagement d’espaces de détente pour favoriser le bien-être.
  • Création d’une culture d’entreprise qui valorise le bien-être mental et physique, favorise la communication ouverte et encourage le soutien mutuel entre collègues.
  • Accompagnement constant des salariés

Vous en connaissez désormais davantage sur les risques psychosociaux, leurs causes et leurs conséquences. 

Pour agir à nos côtés ET pour redonner un réseau à celles et ceux qui n’en ont pas et ainsi rompre leur isolement social, devenez coach sur l’un de nos deux programmes Entourage Pro ! 

Ombeline et l’équipe Entourage

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  1. 12ème baromètre sur l’état de santé psychologique des salariés français, 2023, Opinion Way et Empreinte Humaine ↩︎
  2. Rapport du Collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail, dit rapport “Gollac”, 2011, Ministère du Travail ↩︎
  3. Etude “La santé mentale, expériences du travail, du chômage et de la précarité,” 2019, Dares ↩︎
  4. Baromètre sur l’état de santé des soignants et des personnels hospitaliers, 2022, MNH-Odoxa ↩︎
  5. Observatoire européen du sexisme et du harcèlement sexuel au travail, 2019, Ifop pour la Fondation Jean-Jaurès et la Fondation européenne d’études progressistes (FEPS) ↩︎
  6. Enquête “Emploi en continu”, 2024, INSEE ↩︎
  7. Enquête “La suite du travail à distance: analyse de 2 000 tâches, 800 emplois et neuf pays”, 2020, McKinsey & Company ↩︎
  8. Baromètre DJEPVA sur la jeunesse, 2023, INJEP ↩︎
  9. Etude “Les Solitudes”, 2023, Fondation de France ↩︎

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