Isolement social et précarité : et la famille dans tout ça ? 

L’isolement social concerne toutes les catégories socio-professionnelles. Cependant, il peut être favorisé par d’autres formes de vulnérabilité. Selon Hadrien Riffaut, chercheur au Cerlis et co-auteur de l’étude Solitudes 2022 de la Fondation de France, il existe une corrélation indéniable entre la précarité et l’isolement social : les individus les plus précaires sont ceux qui sont les plus susceptibles d’être isolés.

En France, un tiers de la population est en situation de fragilité relationnelle, ne disposant que d’un seul réseau de sociabilité (amis, famille, voisins, collègues ou milieu associatif)1. De plus, 12 % des Français sont en situation d’isolement total. 

Ainsi, l’isolement social affecte de manière disproportionnée certaines catégories de la population, parmi lesquels les jeunes, les familles monoparentales et les personnes âgées se retrouvent souvent en première ligne. L’un des points communs de ces profils est la place de la famille. En effet, la famille est le premier rempart contre les phénomènes d’isolement, constituant le premier lieu de solidarité interpersonnelle dans notre société. Lorsque ce lien familial est fragilisé, la personne peut se trouver en situation de vulnérabilité. 

En cette journée mondiale de la famille, analysons ensemble le lien entre la précarité, l’isolement social et la famille au sein des trois profils les plus vulnérables : les jeunes, les familles monoparentales et les personnes âgées.


Petit rappel des définitions !

Isolement social

Situation dans laquelle se trouve la personne qui, du fait de relations durablement insuffisantes dans leur nombre ou leur qualité, est en situation de souffrance et de danger.”  Conseil économique, social et environnemental (CESE)

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Précarité

“Absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives.” Wresinski Joseph2

Pauvreté

Un individu (ou un ménage) est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En France et en Europe, le seuil est le plus souvent fixé à 60 % du niveau de vie médian.” INSEE. Le niveau de vie médian est de 1 880 euros par mois pour une personne seule après impôts et prestations sociales (donnée 2020). Cela signifie que la moitié de la population gagne moins, l’autre moitié davantage.


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D’après l’Observatoire des inégalités3, près d’un jeune sur cinq âgé de 18 à 29 ans vit sous le seuil de pauvreté en France. Cette réalité place cette classe d’âge parmi les catégories les plus touchées par la pauvreté dans le pays. En parallèle, une étude Flashs de l’IFOP4 révèle qu’en 2024, 62% des 18-24 ans expriment régulièrement le sentiment de solitude. Plus de 6 jeunes sur 10 (63%) considèrent cette solitude comme une source de souffrance, avec des répercussions indéniables sur leur santé mentale et physique (stress, nervosité, anxiété et troubles du sommeil).

La jeunesse, période cruciale dans la construction d’une vie sociale, est souvent ternie par l’isolement social. Ce phénomène trouve ses racines dans une multitude de causes, certaines remontant même à l’enfance. Outre les facteurs économiques tels que le chômage, les difficultés de logement, de transport et de santé, des facteurs familiaux comme le départ du domicile parental, l’éloignement géographique ou le l’absence de relation amoureuse peuvent également contribuer à cet isolement.

La crise sanitaire déclenchée par la pandémie de Covid-19 a renforcé la précarité des jeunes en France, comme l’a démontré une enquête menée pour la FAGE par l’institut IPSOS5 en 2020. Elle a non seulement accru les difficultés économiques, mais a également profondément altéré la qualité et la fréquence des interactions sociales, notamment avec la famille. Cette période a en effet restreint les occasions de trouver un soutien en cas de difficultés, et a accéléré la numérisation des relations sociales. Selon l’étude de la FAGE, 64% des jeunes de 18-24 ans ont ressenti le besoin de se confier à quelqu’un et d’être écoutés, avec des conséquences psychologiques graves pour près d’un quart d’entre eux, allant jusqu’à des pensées suicidaires.


La notion de parent isolé, également connu sous le nom de famille monoparentale, désigne la situation où un seul parent célibataire, divorcé, séparé ou veuf, assume seul la responsabilité et l’éducation des enfants sans soutien d’un conjoint ou partenaire.

Selon les données de l’INSEE6, un quart des familles en France en 2020 appartient à cette catégorie, avec une femme à leur tête dans 82 % des cas. Derrière ces chiffres, une réalité préoccupante : la pauvreté touche 45 % des enfants élevés par une mère célibataire, soit près de 2,5 fois plus que les enfants vivant dans une famille composée d’un couple, toujours selon l’INSEE.

Les familles monoparentales, en particulier les mères isolées, sont confrontées à un risque accru de précarité et font partie des groupes les plus touchés par la pauvreté monétaire. La séparation entraîne souvent une diminution des revenus, une répartition inégale des dépenses liées aux enfants avec l’ex-conjoint et des coûts de logement élevés. Elle peut également causer une difficulté sur le marché de l’emploi, en raison d’une faible flexibilité et disponibilité du fait de supporter seules l’éducation des enfants. 

La précarité économique et professionnelle des familles monoparentales peut favoriser l’isolement social via l’absence de relations durables. Le parent isolé peut se sentir seul face à ses difficultés, tant sur le plan éducatif que financier. Cette pression financière, associée à la charge émotionnelle, aux tâches ménagères, aux engagements sociaux et au manque de soutien familial et social, peut souvent affecter sa vie personnelle et sociale.

L’association de la précarité économique, professionnelle et relationnelle exacerbe les tensions et le stress au sein de ces familles, pouvant avoir un impact négatif sur leurs capacités parentales.


En mars 2023, une étude de l’INSEE7 a révélé que 9% des personnes âgées de 75 ans ou plus vivent sous le seuil de pauvreté monétaire en France métropolitaine, contre environ 14% de la population totale. 

Parallèlement, l’isolement social, un problème bien connu à tous les âges de la vie nous l’avons vu, prend une ampleur massive avec l’âge. C’est d’ailleurs une problématique aujourd’hui bien connue. Selon la 2ème édition du baromètre “Solitude et isolement quand on a plus de 60 ans en France en 2021” des Petits frères des pauvres8, le nombre d’aînés isolés des cercles familiaux et amicaux est passé de 900 000 en 2017 à 2 millions en 2021, soit plus de 122 % ! De plus, 530 000 personnes âgées sont en situation de mort sociale, c’est-à-dire sans ou quasiment sans contacts avec les différents cercles de sociabilité (cercle familial, amical, voisinage et réseaux associatifs). C’est l’équivalent de la ville de Lyon !

Pour les personnes âgées qui sont “assignées” dans leur quartier, leur rue, leur palier, voire leur appartement ou leur chambre par la perte de mobilité ou leur situation précaire, le tissu social s’appauvrit considérablement. De plus, avec l’âge, les occasions de perdre des relations augmentent tandis que celles de construire de nouvelles sont moins nombreuses. La période d’entrée dans la perte d’autonomie peut intensifier le problème de l’isolement social, avec des conséquences graves sur toutes les dimensions du bien-être des personnes âgées.

L’éloignement géographique, le manque d’accès à l’information et des événements tragiques tels que la perte d’un conjoint, une séparation, un abandon, un accident ou une maladie grave, contribuent à l’isolement des personnes âgées.


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Ombeline et l’équipe Entourage

  1. Etude Solitudes, 2023, Fondation de France ↩︎
  2. Wresinski Joseph, 1987, Grande pauvreté et précarité économique et sociale. Paris : Journal officiel ↩︎
  3. La pauvreté selon l’âge, décembre 2022, Observatoire des inégalités ↩︎
  4. Les français et la solitude, janvier 2024, IFOP pour GoodFlair ↩︎
  5. Enquête “Les jeunes face à la crise : l’urgence d’agir !”, juillet 2020, FAGE-IPSOS ↩︎
  6. Les familles en 2020, 2021, INSEE ↩︎
  7. Après 75 ans, des niveaux de vie moins élevés mais un taux de pauvreté inférieur à la moyenne de la population, mars 2023, INSEE ↩︎
  8. 2ème baromètre “Solitude et isolement quand on a plus de 60 ans en France en 2021”, septembre 2021, les Petits frères des pauvres ↩︎

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